Mineurs à crinière : le cheval dans les mines

Depuis qu’il est passé du statut de proie à celui d’animal de labeur, le cheval a accompagné l’homme dans toutes ses activités. Il est l’une des rares créatures sur cette terre à pouvoir se flatter d’avoir participé à l’évolution de l’humanité entière, notamment en prenant une part active à la révolution industrielle intervenue à partir du 19ème siècle. Sa force et sa bonne volonté ont été mises à contribution jusque dans les endroits les plus reculés et les plus dangereux : les exploitations minières.

Ils sont tout d’abord employés à l’air libre, attelés au barritel, un manège de bois utilisé pour remonter à la surface le minerai extrait en profondeur par la force de l’homme. Mais à partir de 1821 et du début de la course à la productivité, ils descendent à leur tour épauler les gueules noires dans les galeries.

La sélection

La vie d’un cheval de mineur débute en surface, à ce niveau, rien ne le distingue de ses congénères. Celui appelé à descendre est sélectionné essentiellement selon ses caractéristiques physiques et parmi des races adaptées et plébiscitées par la profession.

Forts et trapus, les chevaux de Trait du Nord ou les Ardennais qui pouvaient tracter jusqu’ à 8 tonnes par chargement, sont très appréciés et ont longtemps été utilisés dans les mines de houille de la région Nord-Pas de Calais. Des races plus légères et plus petites comme les poneys shetlands ou les pottokak se voyaient généralement affectés aux galeries plus étroites.

La sélection s’opérait vers l’âge de 5 ou 6 ans. Les membres et les pieds faisaient l’objet d’attentions toutes particulières. Ils devaient être extrêmement solides pour que le cheval puisse arpenter sans se blesser les traverses des voies destinées à guider les berlines (wagons miniers), ou progresser dans les rochers, la boue, l’eau...

L'embauche

Une fois sélectionné, le cheval doit dire au revoir à la lumière du jour. Et dans la grande majorité des cas, cet au revoir est définitif. Il est descendu dans la mine au moyen d’un harnais, en position verticale assis sur sa croupe, le long d’un câble. Ses yeux sont bandés, ses jambes entravées, thorax et abdomen couverts de paille afin d’éviter au maximum les blessures durant cette étape délicate.

A partir des années 1930 et avec l’apparition des monte-charges dans les exploitations, la descente se fit de façon plus sereine.

Travail et repos

Systématiquement rebaptisés à leur arrivée par leur meneur et futur partenaire d’une vie, les chevaux doivent s’acclimater pendant 2 à 3 semaines, période au cours de laquelle s’effectue le dressage à proprement parler, exclusivement à la voix. Le cheval assure des tours de 8 heures minimum avant d’avoir le droit de se reposer dans les écuries aménagées directement dans les galeries.

Il était impossible de stocker les rations sur place en raison de l’humidité et de la présence de nombreux rongeurs. Aussi le fourrage (à volonté) était-il descendu chaque jour par les meneurs.

Compagnon d'infortune

D’après ce que nous en savons aujourd’hui, les hommes de fond les traitaient bien. Mais malgré tout, la mortalité restait importante, de l’ordre de 30%, faisant souvent suite aux effets du stress : poussière, bruit, cris, obscurité...

Les conditions travail difficiles fatiguaient les chevaux prématurément, et quand ils ne succombaient pas lors d’un accident, c’était des suites de maladie (principalement l’emphysème ou la myoglobinurie).

La retraite

Peu d’entre eux remontaient en fin de carrière. Ceux qui avaient cette « chance » partaient généralement à l’abattoir.

Ce n’est qu’à partir des années 30, avec l’introduction du monte-charge, puis les années 40 avec l’adoption de plus grosses berlines nécessitant d’élargir les galeries, que leur situation s’est améliorée. Ils ont pu en outre bénéficier d’une à deux semaines de vacances au pré par an.

Au plus fort de « l’ère minière », on dénombrait environ 10 000 chevaux et poneys, tous propriété des sociétés d’exploitation des mines. Les progrès techniques, l’électricité et le « cheval-vapeur » vont progressivement remplacer les crinières et les bruits de sabots dans les galeries. Le dernier cheval de mineur français est remonté en 1969, pour finir sa vie dans une ferme. Il s’y éteint en 1971. Il s’appelait Bienfait et a vécu depuis ses 6 ans jusqu’ à ses 19 ans dans l’obscurité.

Pour en savoir plus :

  1. Mémoires de Mines - Documentaire avec Pierre Tchernia
  2. Les chevaux de mines retrouvés - Sylvain Post (Ed De Borée)